Week-end catalan à llançà : 16 et 17 février 2008

Crédit photos: Alain Gillodes, Victor Sieso

   Les années se suivent et se ressemblent, voire : en février 2007, Alain nous avait promenés dans cette frange âpre de l’Albère maritime Ampourdanaise,...

   ...on était partis de Llançà et d’Espolla, on avait passé la fin de semaine à l’hôtel Goleta,...

   ...et nous étions peu ou prou les mêmes cette fois encore. Sauf que le mistral à ôter les épines des calicotomes n’était pas là, pas plus qu’une mer bleue de cocagne, en place un petit air gregal ou llevant et des brumes comme entre Dunkerque et la Belgique, au moins le dimanche.

   Samedi néanmoins resta sur la lancée de la semaine: azur ininterrompu, affaibli certes, atmosphère juste agréable sans être glaciale. Claude et Jean Michel dormaient comme des anges à l’heure où l’on fourbissait nos montures après le petit déjeuner : faut croire que la route auto de la veille leur avait usé les nerfs, ce dont on ne disconviendra pas.

   « Es un mati molt clar, veig part de la badia, per la finestra estant » chantait Raimon dans une de ses prenantes mélodies (C’était une matinée très lumineuse, je vois une grande partie de la baie depuis la fenêtre…) ; on s’est pris un petit courant pas chaud chaud derrière la colline à l’antenne, où nous nous engageâmes sur un territoire erroné,...

   ...juste pour sentir le romarin fleuri, juste pour dominer le donjon de Montperdut, mais enfin les rasades de soleil étaient bien là pour ranimer les mains et colorer les joues promptes à jouer les trompettes souffleuses.

   Il était dit que les ruines perchées du castell de Verdera devaient nous apparaître sous leur jour le plus romantique, ce fut chose faite,...

   ...nous accédâmes dans l’enceinte dûment entourée de murailles crénelées sous les flots d’une brume tragique, une fumée froide qui allait pourtant s’évaporer...

   ...à l’heure de disposer de notre en-cas sous les tour de Sant Pere de Rodes, ancienne abbaye que je découvris ruinée dans les années 70,...

    ... aujourd’hui réhabilitée et dont tous les trésors pourtant sont dispersés dans les musées de Figueres, Girona, Barcelona..

   Sous le calme des cieux et des dieux, dominant le maquis fleuri de jaune des ajoncs, nous voguerons, pas toujours confortablement, de masia en église, de ruine en hameau (Vall de Santa Creu, La Pallera, Mas de la Mata,...

     ...Santa Helena, San Salvador), dégotant au passage un amandier déjà en feuilles,...

    ... des cactus entourant une vieille source, un orry de pierres brunes dépassant les cistes, un arum à capuchon de moine qui ressemble au nombril de Vénus. Milou pourra toujours louer des terrains pour entreposer ses ruches : le miel ici doit couler d’abondance, et parfumé, issu de ces versants ensauvagés.

   Les conquérants d’antan ont dû aussi arriver par des crêtes en ces coins reculés, investissant les lieux, s’appropriant les terres, débouchant en des vallons fertiles. Il reste toujours des âmes qui vivent dans ces replis austères pas si loin de la côte facile, où il faut batailler dur pour que la nature ne reprenne pas ses droits. Les conquérants d’un jour, beaucoup plus pacifistes, un peu moulus des petons,...

    ...ont débouché à Selva de Mar petit village planqué à l’ombre vaste de la montagne. Le samedi était quasiment bouclé, on n’a pas pu pratiquer le GR côtier comme cela semblait devoir être le cas : trop scabreux par endroits, ou se perdant dans les sables, voire des propriétés privées. Faudra attendre la réhabilitation restauration complète, l’aménagement parfait pour les promeneurs, un peu comme les pistes cyclables dans les villes de chez nous : pas évident de faire la continuité, la totale jonction !

   Je n’avais pas touché le VTT depuis le séjour italo-suisse de l’été dernier, juste une rasade d’huile, mais le « peuneu » arrière sollicité avait perdu de sa superbe, il me faudra faire appel aux bons offices de Kikou, vélociste toujours pas rangé des outils (et c’est heureux pour nous !), qui me dégotera en moins de deux un pneumatique tout neuf, une chambre sans rustines et un petit pschitt-pschitt pour irriguer la chaîne. Faut dire que les épines avaient joué les traîtresses, comme d’habitude, impitoyables pour les négligents de mon acabit. Je payai mon écot et bûmes l’apéritif.

   Apéritif, il faudrait toute une page pour relater ce moment fort de cohésion, où dans les retrouvailles chacun prend la mesure de ce qu’a pu réaliser l’autre dans le courant de la saison, entre le vin d’orange, les rillettes de Tours, le poivron ou l’olive assaisonnés, la tomme fermière du buron, le muscat sec ou le rouge de Carnas. Une salle annexe de l’hôtel fut gracieusement mise à disposition pour nos agapes et l’entrepôt des vélos. La patronne nous connaît (JPR a même failli tâter son téton),elle nous fait confiance ; pour le coup elle nous réserve cette année la salle VRP du restaurant Els Pescadors, à l’étage et contre le Port, où nous irons par deux fois dîner « a las nueve ».

   Requesens : comme hier il y eut Sant Pere de Rodes point de ralliement monumental et patrimonial, il y aura pour ce dimanche en point de mire ce mirador fortifié que nous entraperçûmes depuis une crête lointaine voici 12 mois. Qui saura dire l’histoire de cette bâtisse dressée en un point pas si invulnérable que ça (la chapelle St Christophe à cet égard était bien à l’abri dans son nid d’aigle !) ?

   Pleuvra, pleuvra pas ? La question reste en suspens : côté France, ils ont annoncé la flotte, la météo catalane d’ici se montre plus précise, qui n’a pas parlé de précipitations, mais d’assaut de brumes littorales, avec « big sun » sur les Pyrénées intérieures.

   On ne sera pas au bord de l’eau salée comme hier, pas non plus enfoncé dans un de ces labyrinthes merveilleux des Garrotxes, et il n’y aura pas de sale surprise : adieu le bleu, bonjour la grisaille, oui certes, mais ceux qui ont fait suivre la cape ont bien conjuré le mauvais sort, de pluie nous n’en aurons point !

   C’est sans Chantal  B. que nous partons d’Espolla, notre primée des 1000 cols n’a pas souhaité renouveler ce jour les péripéties de poussage de la veille. Il faut reconnaître que nos deux journées n’engrangeront que quelque 40 bornes chaque fois, mais l’exigence physique ne manquait pas pour meubler sept heures d’efforts ou d’attention soutenue sur terrain piégeux du départ à l’arrivée.

   La route cimentée attaque les collines de front, les vélos se jouent de la pente avec les braquets souples. Par ici les asperges sortent déjà leurs pointes, j’en cueillerai quelques unes au passage, mais elles ne m’ont pas attendu, certains sont déjà passés. Peut-être une de ces « trementinaïres », ces femmes qui antan allaient à pied de village en village colportant leur herbe salvatrice (la sauge sans doute !), leurs onguents et résines (la trementina précisément), leurs remèdes populaires de bonne femme justement, et qu’on hébergeait les jours de mauvais temps en tout lieu ouvert et abrité.

   Pour récupérer tel col planqué, nous traverserons la ferme aux cochons (parfum d’Ampourdan garanti qui définit le terroir, comme du côté d’Olot les effluves de charcutailles) ; nous nous fraierons un chemin dans la mer de chênes liège dont on tire encore de belles plaques d’écorce, nous croiserons d’autres mas crottés par les moutons, aux toitures fatiguées ou effondrées, aux ronces envahissantes, aux enclos délaissés, aux puits abandonnés.

   Lentement et sûrement, la troupe multicolore s’est approchée  des tours de Requesens, j’aurai même le loisir   d’effectuer une visite impromptue au village homonyme installé sur le versant opposé à peu près à la même hauteur, davantage peuplé de vaches que d’habitants.

   Midi était passé depuis un bon moment, et le repas en plein air au pied des solides murailles qui ne nous abritaient guère fut un peu rude avec les coups de vent à figer les sueurs, quelques froides gouttes folles à alerter les sous équipés en habits.
   C’est ici d’ailleurs qu’un contingent pas négligeable du groupe prit les devants et descendit prématurément pour un retour anticipé : faut bien penser aux chevaux et à sa dulcinée, bien vrai Philippe et Francis ?

   C’est le moment que choisirent deux têtus lascars pour fausser compagnie au reste du peloton : à l’insu de leur plein gré ils s’élancèrent vers les lointaines et perchées Collades de Parmal, laissant les ami(e)s à l’ouvrage dans les lacets des collets del Vent ...

   ...et de les Llenyes. Les branchages s’agitaient dans la hauteur, les brumes dansaient pas loin ; la pierre, la gadoue, la pente, les feuilles mortes amassées n’ont pas arrêté le duo entêté. Je ne sais si c’est Kikou qui me poussait là haut ou si c’est  moi qui le suivait par solidarité : on ne laisse pas seul un cyclo qui s’aventure, qu’il soit vétéran ou pas. Nos deux cancres des cols primaires pourront pousser le cri primal de la victoire aux 870 m de l’ensellement ras : moment sublime, unique, magnifique, savouré  comme s’il s’agissait d’un trésor volé , dérobé à ceux qui n’ont pas pu ou voulu y accéder. Et voilà comment après avoir été rugbyman, Kikou est en passe de devenir pur grimpeur ailé : ce soir, la blanquette arrosera entre autres événements cette belle escalade escapade !

   Ouf, nous rejoindrons prestement la troupe que nous pensions ne plus revoir, dès la chapelle de Requesens, sise en contrebas sur la piste de Sant Climent de Sessebes : Ils auront compensé le Parmal par le Mirapols, que nous aurons en revanche raté en absence de toute carte et de tout guide.

    Qu’importe, la jonction était faite, la boucle pouvait continuer, et pour le coup le soleil se mit à irriguer tous ces mystérieux versants semés de blocs grisonnants comme un second Sidobre.

   L’escouade de vététistes arrive à bon port au village départ,...

   ...et comme une nuée d’étourneaux se rassemble sur la branche, le peloton revenu des hauteurs perdues se retrouve au Bar Restaurant La Fraternal. Il fait presque plus froid dehors maintenant que naguère dans la hêtraie gagnée de haute lutte. Claras et cañas garniront la tablée, avec un ou deux thés fumants.

   Le week-end a pris corps, parfaitement réussi ; on a fait avec cœur quasiment l’ensemble de ce que donnait la feuille de route. Pour septembre et février prochains, l’affaire est quasiment bouclée aussi : Cassagnas en Lozère et Limoux avec son Carnaval n’ont qu’à bien se tenir, Jean Pierre R. et Jean Déjean vont nous mitonner une (tri)potée de cols. D’ici là, mes « peuneus » auront le temps de se refaire une santé (ou de la conserver) !

Victor, l’ancien carabin qui aimerait revoir les carabènes

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