VTT à Limoux: 21 et 22 février 09

crédit photo: Alain Gillodes, Alex Poyer, Chantal Sala etVictor Sieso

      Ninaute est un vaste domaine, une sorte de centre aéré transformé l’espace d’un week-end en Hauts du Hurlevent pour les grands enfants que nous sommes. Kikou de Limoux, je dirai même plus de Pieusse, de la route de Pieusse, du temps où il tenait son magasin de cycles Déjean, nous a réservé un séjour Carnavalesque dans son fief Audois et il n’a pu faire mieux que de nous proposer, neuf ans après, un retour dans la ville capitale de la Blanquette pour nous esbaudir au passage des bandes déguisées, entre et même au décours de ces deux journées de VTT, rallongées pour la plupart par un avant propos et un codicille les vendredi et lundi encadrant les traditionnels jours libres pour ceux qui encore sont dans le circuit du travail

     Là haut à Ninaute où le mistral qui s’appelle dans le coin tramontane n’a cessé d’ébouriffer  la crinière des chevaux et le moindre buisson, on a bâti du neuf, presque du pompeux, du grand quoi, autour de vieilles bâtisses encore en place et rénovées. Non pour élever quelque vin capiteux ou une moelleuse blanquette – qui s’affine plutôt dans les caves modernes au bord de l’Aude paisible – mais pour recevoir des classes vertes, des jeunes scolaires, des apprentis en équitation, sans doute des groupes d’adultes aussi. Nous avons bien aperçu quelque équidé de ci delà, mais point de cavalier : trop de bise, trop vaste froid pour les gamins ? Ou domaine pour nous seuls réservé l’espace de ces jours de février finissant ?

     La trentaine de prétendants à la pédalée fraîche et joyeuse ou les candidates à la marche découverte se sont pointés sur le tertre ventilé pour des retrouvailles marquées du sceau de la bonne humeur, de la confraternité, des apéritifs partagés. Chaque saison qui passe amène son contingent de cheveux plus blancs, plus rares, ou ses petits ennuis de santé : le sport conserve la forme, entretient le bien-être, pas sûr qu’il soit suffisant pour économiser nos vieux os tout en les prolongeant, mais on fait comme si !

     Guy et Régis, Germain sont là en tant que néophytes ou quasi dans notre groupe informel constitué bon an mal an d’au moins 15 unités. Des anciens s’absentent, s’éclipsent, se retirent : Martial, Gorges, Jeannot, les mordus de la première heure, voilà belle lurette qu’ils n’étoffent plus le peloton de février ou de septembre  lors de notre double rendez-vous annuel.

    Christine reine discrète toute auréolée d’un gigantesque et fantastique voyage transcontinental, certes organisé, (Europe-Asie) ne ratera pas un seul détail de ces deux jours : elle garde la forme et la silhouette forgées par six mois de vélo en continu, rude itinérance, expérience unique, occasion rare et exemple remarquable en en ce 21° siècle voué aux crises et à l’artifice.

    La croix das Monges marque-t-elle un col ? Nous y passerons à deux reprises,  traversant Villar-St-Anselme le premier jour, arrivant par un autre coteau dimanche. Cette croix de fer juchée sur une pierre, comme tant d’autres disséminées dans nos campagnes, rappelle à quel point la ferveur religieuse a été grande, soumettant des populations entières, et combien certainement l’influence ecclésiastique a contribué à façonner la plupart des paysages  par l’entremise de travaux agricoles sous la dépendance de tel couvent, telle abbaye, tel évêque d’une ville plus éloignée.

     Kikou n’aime pas les monuments, ceux du passé qui révèlent l’histoire, il nous évitera Rieunette par exemple, simple chapelle où des moniales se sont réinstallées cultivant leur foi dans un petit vallon bien caché à peine entrevu.

      Mais les cent-colistes ont plus pour religion d’aller à la chasse aux cols. Nonobstant, on ratera St André, Al Bosc, Soult peut-être, et dimanche on devra se séparer sans avoir franchi Razès. L’homme de l’art nous précisera tout ça dans un rectificatif.

     Chacune des deux journées eut son pesant de kilomètres de surprises et d’efforts. Comme dirait Alex, pour un début de saison, c’est un excellent entraînement. Il ne manqua pas de poussage dans les recoins tortueux,... 

     ...de contournement de flaques,...

     ...de passage dans la gadoue glaiseuse qui marquera nos destriers et nos effets. Les sols traîtres aux épines sournoises bien sûr étaient là et quelques chambres ne résistèrent pas à l’aiguille du prunellier ou au poinçon de la ronce.

     Le soleil ne tint pas tout à fait ses promesses comme la journée vendredi déclinée d’azur infiniment propre le laissait supposer : une rentrée maritime de nuit, un retour de vent d’ouest sur un ciel voilé le lendemain, un horizon embrumé de gris nuages dimanche, tout ça ne contribua pas à éveiller dans nos cœurs l’imminence d’un printemps qui se fait attendre dans notre sud. Pas une fleurette sur les combes argileuses du Razès, seule la blanche roquette s’essayait timidement et bien à l’abri dans sa robe fragile malmenée par le souffle importun. 

     Le vrai rayonnement nous vint au propre comme au figuré lorsque nous déboulâmes sur la place des Arcades, vers les 11 heures dimanche, cette fameuse place centrique à la fontaine républicaine bien en vue et ostentatoire : les festivités des « fécos » venaient juste de commencer.

     Surprenant Carnaval pour qui ne connaît pas la tradition Limouxine enracinée depuis plus de trois siècles. Ici se succèdent des semaines durant, de l’hiver au printemps quasiment, des bandes animées déguisées, chamarrées, escortées de quelques joyeux musiciens. Thème choisi différent chaque année, femmes d’un côté, hommes de l’autre, en ce matin Disney était à l’honneur avec le sexe dit faible.

      Point de chars ni de corso fleuri, point de pétards endiablés, point de défilé ronflant au long des rues. Ici tout se déroule autour des cafés où le client voire le bistrotier paient à boire à la troupe qui enchante et émerveille dans sa danse légère rythmée aux sons des instruments soufflés ou percutés, avec la voltige aérienne et gracile de cette baguette habillée qui ensorcelle et désigne un badaud reconnu. De blancs confettis inondent le pavé, des bulles qui se veulent de blanquette s’échappent par-dessus les têtes, emportées par la tourmente venteuse. Magie et féerie président à cette escorte grimée si richement dont les évolutions chorégraphiques simples mais recherchées frappent droit au cœur, renforcées par ces courtes mélodies répétitives mais jamais lassantes.

Un tel spectacle où le spectateur se prend au jeu peut-il rappeler les anciennes Bacchanales, fêtes gaillardes et autres Lupercales du temps des Romains ? Plutôt ça que le défilé débridé de Rio ! Fête laïque où l’on peut retrouver les gestes de l’effort d’antan (la farine et le pétrin, « mouster » le raisin au temps des vendanges, là est l’origine et le sens de cette fête) en passe de devenir quasi spirituelle à certains égards ! Carnaval étymologiquement  veut dire la chair à bas, et le catalan dit bien « Carnes Toltes » (les chairs qu’on brûle) comme si la vraie signification de ces aubades était d’expier des péchés peu recommandables tout en profitant des masques pour les mettre à jour, et de purifier par les flammes d’un vaste feu de joie terminal la Majesté sacrifiée annuellement sur un vrai bûcher.

     Kikou qui n’aime pas les monuments n’avait sans doute rien à faire des chicots  d’habitations anciennes émergeant du fouillis des sous-bois ou tenant encore debout à l’orée d’un plateau qu’on déboise. Moi j’aime les ruines dont les précurseur furent l’objet de tant d’attention avant qu’elles ne deviennent ce qu’elles sont aujourd’hui : juste image de ce qu’est en gros la destinée humaine, peut-être pour cette raison je m’y attache tant et la pierre façonnée puis abandonnée me parle.

     Mais il est impossible que Kikou n’aimât pas le hameau de Molières, signalé ruine sur la Michelin et « à voir » sur notre feuille de route. Là nous aurions dû tirer le repas du sac.

     En ce samedi, cela faisait un bon bout de temps qu’on l’avait liquidé la formalité alimentaire au pied d’une de ces « campagnes » vouées à l’écroulement.
     Molières a été réhabilité, un bout du monde sis en retrait de la minuscule route du col de Taurize se ré humanise : église, cimetière, croix attenantes bien forgées, maisons restituées coquettes, jardinières rustiques entretenues, grottes sous falaise et cours d’eau cascadeur ; même les bancs de repos avaient été mis face à ce joli décor. La présence de vie était manifeste. Le chien qui aboyait nous a signalé l’endroit habité et le robinet pour emplir nos bidons. C’était là le Paradou de Kikou ?

     C’est entendu, nous laisserons Rieunette dans son val solitaire et ne dérangerons ni les moniales ni les sangliers qui peut-être sont allés piétiner les plates-bandes du jardin de curé dont s’occupe cette poignée d’élues de Dieu. Kikou nous emmènera sur les hauteurs d’une panoramique piste forestière jusqu’à un col, le Jouffray je pense, juste un aller retour, juste assez pour admirer la remarquable couverture forestière déjà bellement entrevue dans les dédales avant le pas de Loubet, un des points culminants de ces deux journées. La forêt des Corbières Occidentales vue sous cet angle hivernal est vraiment attrayante.

     Le soleil finalement largement généreux en cette première journée tombe bas sur l’horizon et se fait manger par l’ombre froide et presque obscure qui nous ramène par des sentes douteuses vers les trois pylônes à proximité immédiate de notre gîte. Le crépuscule aurait gagné la campagne pour les téméraires qui se seraient aventurés à finaliser le parcours décrit par col d’al Bosc et Pieusse. Je n’avais pas de carte, pas plus que de savon ou de serviette pour me refaire une propreté le soir venu. Pas de sueur, pas de crasse, comme dirait le petit diablotin qui me hante parfois ; un coup d’eau chaude et de rasoir, un vague geste du peigne, me voilà prêt pour les cacahuètes, olives, fromages, salaisons et autres amuse-gueule en compagnie pour apprécier les alcools de toutes les couleurs et de tous les goûts d’avant le dîner officiel en réfectoire.

     Là bas Kikou se chamarra en Don Camillo pour nous raconter les tribulations d’un ancien pape local aux prises avec son personnel subalterne. Molière (sans s) n’a pas dû se remuer dans sa tombe et c’était plus vrai que nature ! Tant et si bien déclamé que Kikou en perdra demain sa voix !

     Faut croire que le café arrosé préparé par les soins du Savoyard Régis en sa grolle de mélèze importée d’Aoste était remède inefficace contre les excès des cordes vocales.

     Col d’Arce, cet ensellement m’a tapé dans l’œil, parce que vraiment taillé pour être tel, et abordé vent debout  sur un beau coup de nez. C’était dimanche, réveillé gris et fort secoué de tramontane froide donc. Limoux s’entrevoyait au fond dans la plaine ternie, où nous allions pourtant trouver tièdes rayons et liesse populaire. Claude, Dédé, Chantal, Jean-Michel ne tourneront pas avec nous à la conquête des collines arrondies  du Razès où les mollasses supportent plus les céréales et les jachères que les vignes. Ici commence le grand Sud Ouest. En 2000, la brise d’est véhémente nous avait molestés sur la crête, aujourd’hui c’est presque le même tableau mais avec un souffle inversé, dans les deux cas, le soleil se montre particulièrement indigent. La forte silhouette de Monthaut n’en paraissait que plus énigmatique et mystérieuse. Dans ces parages nous reléguant aux portes de l’Ariège, j’ai deviné dans le ciel tourmenté le blanc fantôme de Soularac perdu dans ses neiges abondantes et qui va bien garder cette parure des semaines encore si l’air reste de cet acabit : froid et sec.

     Nous sommes en début de saison et l’on comprend que des organismes fatiguent : hier Denis de Muret nous laissa pour cause de grosse gêne articulaire, certains sans le dire sont allés jusqu’au bout du rouleau, Kikou s’avouera « raide » au col de St Pierre et délaissera Courtauly, Villelongue, au profit d’une belle descente goudronnée  et rapide, grisante, jusqu’à Ajac.

     Tout le monde suivra le guide comme un Panurge mène ses moutons à la mer : nous n’allions pas laisser tomber l’homme qui a finement manœuvré, improvisé deux jours durant pour notre plus grand plaisir, en fin connaisseur qu’il est des dédales et des pistes, des sentes acrobatiques et des routes inédites.
     Grand merci à celui qui se range un peu plus de ses outils de dépanneur vélociste mais qui en dépit de ses 70 berges porte haut et loin son enthousiasme  d’aventurier du vélo, surtout tout terrain.

     Kikou, au fait, ils étaient comment les tripoux de la soirée dominicale ? Si je lui demandais ainsi, l’ancien demi de mêlée pourrait m’envoyer une palanquée de fricassée en guise de réponse ! Tant que ce n’est pas une « antorcha » de résine et de braise et que ça se mange, ça peut aller !

Allez vaï, rendez-vous à Pâques ou en septembre, ce sera paraît-il entre Larzac et Cévennes, entre buis sempiternels et sapins de repeuplement. D’ici là, les cigognes seront de retour, c’est sûr.                                                                                                

 Victor, le fécos de service.

Et après la fricassée et le one man-show de"frère Jacques",...
... reprise du Carnaval, en nocturne cette fois!
Nadine et Jean Pierre
Les Piotes
Les Femnas
Le groupe des "Fécos"

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