Vtt dans le val d'Abondance: 8 et 9 sept 07

      Comme dans un rêve, je gravis les tournants forestiers s’élevant vers l’azur des hauteurs. Je n’appuie pas sur les pédales, seule la pente freine. Un Mandrin sorti du Grésivaudan s’est emparé de mon sac, pour me soulager de hisser un poids supplémentaire. Mes acolytes covoiturés sortent du frimas de la vallée pour aboutir quelques minutes avant moi en un Bassachaux épuré. Voici 17 ans, une paille, une grosse paille, une poutre même, c’était à peu près l’inverse : nous partions pour un Thonon-Trieste (réussi), la Dranse était grosse, charriant des eaux boueuses, j’avais quitté les comparses Jean-Pierre et Bernard pour aller voir Bassachaux ; je n’y avais trouvé que de la brume, de l’invisible, de l’opaque gris et tristounet, après quoi, j’étais rentré dans le rang, jusqu’à Brig au moins.

    Cette revanche ensoleillée, c’est le Mandrin cité qui l’a permis, un certain Gérard de Grasse, grand détrousseur de cols, à l’occasion organisateur de virées perchées et crapahutantes, comme c’est le cas en cette fin de semaine bénie des dieux franco-suisses et des déesses alpines. Alors pensez, le somnambule que je suis n’a pas résisté à l’appel d’une aube prometteuse par-dessus les lambeaux de brouillard flottant dans les épicéas avoisinant la Chapelle d’Abondance, où nous élûmes domicile l’espace de deux nuits, voire davantage pour certains.

Les cahots terreux du col des Granges (1664 m) me réveillent tout à fait,
 j’y ai rejoint  juste en partance mes compagnons tout engoncés dans leurs habits anti-froid alors qu’il faisait presque chaud une fois extrait des bas fonds ombrageux.
Si ça continue, nous serons bientôt aussi nombreux en unités qu’il y a de kilomètres à parcourir, jour après jour :
 les grosses étapes entre 70 et 100 km sur chemins faciles, c’est du passé.

   Ce week-end, pas plus de 50 bornes à la fois pour la quasi trentaine que nous étions, au moins le samedi avec les collègues helvètes arrivés en famille à l’invitation de Gérard.

   50km, cela semble représenter un exercice facile, une excursion vite expédiée. Pourtant Georges de Madic s’en ira faire de la route dimanche, tout comme  Chantal et Nicole,
quant à l’autre Georges (de Montauban), il rebroussera le second jour devant la difficulté des passages « poussés ».
C’est dire s’il faut peu se fier à ce qu’indique le papier, distance ou dénivelé, rien n’est plus trompeur.
 On ignore superbement (et c’est tant mieux) la somme d’efforts, de beautés et de difficultés qui peuvent se cacher derrière ces pointillés, ces appellations pointées et ces profils portés sur les topo-guides.
   Nous aurons à en découdre, mais ce sera de bonne guerre. Le samedi, l’enjeu en valait la chandelle, les crêtes aériennes au dessus d’Avoriaz méritaient amplement de s’arracher le poitrail,
de tirer à fond sur les mollets, de traîner le char à rayons sur la caillasse mouvante,
   tant les vues délivrées, sublimes voire impressionnantes et vertigineuses récompensaient la patience obstinée des petites fourmis que nous étions, évoluant dans l’immense montagne escarpée.
Certes dimanche fut un peu plus morose dès les environs du col du Grand Taillet : on était trop bas, dans la purée de pois par conséquent ;
 les éclats de lumière, sans vrai coup de chaud, ne viendront que du côté du col de Plan Champ, sis au dessus de 1600 mètres, ce qui suffira pour emporter sans problème des images plutôt bleues et lumineuses de ce second jour en Chablais.

    Jacques de Clermont, ce blagueur  qui marche, au moins le soir, à la liqueur de prune, s’est bien joué une drôle de farce : il a oublié une (ou deux ?) roues de son vélo ! Heureusement, Kikou a sauvé l’étourdi : le loueur Limouxin de vélos avait un engin de remplacement pour le cas où, et Jacou le croquant a pu laisser sa randonneuse pour l’asphalte d’autres routes et la perspective d’un week-end de marche exclusive au placard. Les Bouillerot et autres Périgourdins auront raté quant à eux un bel ensemble, mais un fémur récemment cassé incité à la prudence et à la patience, pas vrai Jean-Michel ?

   Quant à Jean-Marc, un repas l’attendant dimanche en fin de matinée, il nous a subrepticement quittés  avant le jour pour une longue route  de retour avant l’heure : il pourra se consoler en pensant qu’il n’a pas raté la plus belle des deux journées.

De l’avis de la majorité, les itinéraires ne manquaient ni de « relevé » ni de « coriace »,
 il a fallu se faire violence pour dire bonjour aux vaches qui n’étaient ni des frisonnes ni des armoricaines,
 pour dénicher un col répertorié au bout d’une crête, au creux d’un versant,
    au bout d’une sente entre myrtilles et bruyères. Autant dire que les paquets pique-nique étaient un peu « juste » pour passer tous les obstacles, chacun complètera avec ses vivres perso ou son breuvage bachique.

     Mes vrais-faux désirs d’indépendance m’ont souvent conduit au devant, pour un petit détour, un crochet sur crête, une attente paresseuse allongé sur le gazon dru. Car le groupe qui avance en âge, même s’il se montre capable de décliner toutes les difficultés rencontrées, pour aller récupérer le moindre ensellement, a su prendre son temps (et j’ose croire son pied !). Les journées seront bien remplies, et les jambes pas trop moulues au bout du compte.

   La patronne, davantage faite pour surveiller les jeunes en classe de neige dans son gîte que pour accueillir le paisible groupe de cyclos muletiers, avait fait sortir à l’avance du dortoir les affaires de ceux qui ne resteraient pas pour la nuit de dimanche à lundi. Mais on ira quand même se laver et se changer en son havre de bois : le soleil en ce petit coin de Savoie était plutôt dehors que dedans faut croire !

  Les tintinnabuleurs se séparent tranquillement qui pour regagner leurs pénates, qui pour prolonger dans le secteur leur séjour exploratoire : la météo annonce encore et toujours du beau, tant mieux pour les veinards, pour les autres, il faut qu’ils fassent leur temps jusqu’à ce que retraite advienne ! On se sépare avec des perspectives pour février et septembre prochain pas encore sorties des limbes, mais des idées ont été formulées dans l’amicale ambiance des dîners vespéraux : il est fort à croire qu’elles seront suivies d’effets !

Victor le rêveur

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