RATABOUILLADE à Taurinya organisée par Jacques Juillard du 03 au 07 septembre 2025

 

    C'est au gîte El Passatge, situé à Taurinya dans le département des Pyrénées Orientales, que Jacques Juillard  nous a convié pour notre 57e Ratabouillade. Ce fut l'occasion de découvrir pour certains ou de revoir pour d'autres lson Pays Catala.et le massif du Canigou
    Nous étions 17 participants à ce rendez-vous bisannuel dont 7 en VTT à assistance électrique.
 
Jacques "le petit homme"
 
Le groupe devant le gîte El Passatge (photo le patron du gîte)
     Jacques avait prévu quatre parcours :

   - Taurinya Espira-de-Conflent  pour les VTT - Le col de Roque Jalère et la visite de Molitg-les-Bains village pour Chantal et moi-même.
   - Les villages et mines du Canigou.
   - Une belle boucle passant par le Ras de Cortalets au pied du Canigou.
   - Petit parcours avec un beau point de vue sur Villefranche de Conflent pour ceux restés le dernier jour.
   - Auytres parcours pour les routiers Christine et Jean-Michel accompagnés de Francis
 
     Voir le reportage photos d'Alain: https://photos.app.goo.gl/gCsxyqXJ7uDWwEMb9
     Voir le reportage photos de Régis: https://photos.app.goo.gl/SvoaWrrhfagsWq4k9
 
 
Le compte-rendu de Victor Sieso

Ratabouillade 
estivale du3 au 7 septembre 2025 entre "Canigou et Madres"


   Jacques avait annoncé la couleur dès le mois de marsà Collobrières, lors de notre 56° édition : ce serait àpartir du gîte « El Passatje » à Taurinya, au coeur des Pyrénées catalanes, au pied du Canigou, un site majestueux déjà partiellement visité par certains d’entre nous (septembre 2010). Tant qu’un (une) volontaire proposera une rencontre ici ou là, on se ralliera en confiance pour perpétuer la tradition. Ce qui devient apparemment de moins en moins évident : les années passent, les forces s’usent, la santé se détériore, on passe du vtt à la route voire à l’engin assisté par batterie. Cette évolution semble inéluctable, à la fois naturelle et artificielle. Certains depuis quelques années ont délaissé le groupe des fervents fidèles, se consacrant à d’autres loisirs, peutêtre à la marche, ou devenant plus casaniers, ou ayant simplement coupé les ponts avant que la vieillesse ne devienne un quasi naufrage.


On allait ferrailler en ce début septembre 2025.


   Le petit bonhomme du Puy nous a tenus au courant même au plus fort de l’été caniculaire, présentant une flopée de parcours plutôt exigeants, revisitant des lieux sans doute connus de tous, en tout cas bien alléchants : on y voyait évoqués le ras des Cortalets, le col des Roques Blanques, les hauts de Jujols, les mines de fer, de petits villages reculés du Conflent (Escaro, Estoher, Sahorre, Fillols) et même la station toujours réputée de Vernet les Bains. Tout dépendrait de la météo pour nous orienter vers la Têt, la Rotja, le Cabrils ou le ruisseau du Cady. Bernard est passé me prendre sur Aniane, finalement le covoiturage se fera à trois, Jean-Marie se joignant à nous au dernier moment. Départ presque sur les chapeaux de roues, sauf qu’on va être ralentis puis détournés (merci le GPS !) sur des départementales entre Béziers et Narbonne, par la faute d’un poids lourd qui s’est enflammé sur l’autoroute, provoquant un bouchon ahurissant en ce mercredi qui n’est pourtant pas spécialement une rentrée de w-e ou de chassé croisé de vacanciers. Consolation : le ciel était avec nous, plein de promesses de temps joli, pas plus chaud que ça, et il persisterait et signerait pour ladurée du séjour.


Ouvrez ouvrez la cage aux oiseaux...

   Le Canigou, avec sa pique à 2784 m, concentre tout l’intérêt dans le village où nous échouons bien plus de trois heures plus avant : c’est de Taurinya que démarre la piste historique qui grimpait au refuge chalet-hôtel via le col de Millères, un classique que je découvris ado en août 1967. Depuis, je ne sais combien de fois j’ai gravi la cime reine du Roussillon par tous ses versants, un peu par tous les temps. Remisons le passé : chez Alexandre et Sandrine,gérants du gîte El Passatje depuis qu’il a ouvert en 2018, du monde est arrivé, Michel, Martine, Milou,Régis, les Bouillerot, et même une revenante, Cécile. Jacques est là bien sûr pour l’accueil, on apprend que Guy et Jean-Michel (celui de Toulouse) sont partis de bonne heure ce matin à la conquête des flancs ouest du Canigou, par-dessus le col de Mantet, profitant d’un temps exceptionnellement limpide. Ils auront dès ce soir engrangé des cols hauts et durs. Pour la petite dizaine que nous sommes, on ira découvrir in pedibus le site minier del Saver juste au dessus du gîte, abandonné voici largement plus de 50 ans. Mon mollet droit « tire » toujours un peu au déroulé du pas, faudrait voir à ce qu’il ne me joue pas des tours, quoique marche et pédalage soient deux exercices faisant appel à une utilisation différente des muscles. Il est décidé que demain jeudi on resterait modestes en écumant les bas flancs de la montagne géante, par crainte d’un envahissement de brumes sur la crête frontalière perchée (2300 m en moyenne). Martine est en petite forme, elle couve certainement un virus sournois et ne viendra pas au repas de 20 h, pire, elle va déclarer forfait pour toutes les virées proposées, toutes trop grandes pour sa faible condition, quel dommage ! Toutes proportions gardées, cela évoque le forfait de Claude, annoncé celui-là, qui s’est démis récemment une vertèbre en  se faisant renverser par une auto (il était à vélo) : incidents ou accidents, cela peut arriver à n’importe lequel d’entre nous, hier, aujourd’hui, demain.


Prêts ? Parés ? Partez !

   Dorénavant, mais ça n’est pas une nouveauté, on ne roule plus en paquet unique et compact, puisqu’on a les pédaleurs sur route (en l’espèce Francis, lui aussi prudent après sa hanche fracturée, Les Bouillerot, Cécile qui s’estime en préparation insuffisante et qui fera cavalière seule sur sa fine monture, voire choisira la marche ou la sortie voiture) et les tenants des pistes et chemins, avec des nuances toutefois : les engins lourds à assistance électrique ne peuvent pas franchir tous les obstacles dès lors qu’il faut les pousser, les trimballer sur de trop fortes pentes, les hisser hors des ravins ou par-dessus des troncs abattus. Déjà pas mal qu’on parte à huit ou dix, les autres nous raconteront à l’apéro leur détour vers Sournia, Roquejalère, Paloumère et autres routelettes poignantes vers Arboussols, Eus, Tarérach, Montalbaou Marcevol.
   Ce vendredi est donc consacré à la visite du secteur minier centré sur Escaro. Remonteront de vieux souvenirs, on avait écumé par là, Clara, Forn, Jouel ; Jean-Pierre était de la partie. J’en arrive à mélanger marche, vélo, vtt après tant de lustres. En revanche, le col des Grecs, le col de Sant Feliu, aucune souvenance. Titi l’ami de Jacques que nous vîmes lors d’uneratabouillade au Puy, ne se joindra à nous que demain, lui le bricoleur d’une assistance électrique à partir du moyeu de la roue arrière. La boucle de la veille en dents de scie, dans les bas flancs du Canigou gigantesque, ne dépassant pas les 40 bornes, avec près de 1300 m de montées cumulées tout de même, s’est déroulée dans l’ambiance des cistes, des chênes rabougris, des landes plutôt accidentées que commodes. Jacques a choisi pour ce vendredi une montée progressive certes en altitude (on va raser les 1200 m) mais encore en difficultés (distance, dénivelé : 50 km et 1600 m). Nous serons 11 à partir vers les mines d’Escaro, Martine une fois encore, pas vraiment remise de son insidieux assaut infectieux, restera aux abords même du gîte, à plus forte raison quand Michel qui l’accompagne et qui la veille a montré de sérieux signes de défaillance, ce qui est rarissime chez le coriace bonhomme baroudeur, déclare forfait au vu de son état de faiblesse. Les deux ont espoir de conjurer le mauvais sort en mettant entre parenthèses cette journée de liberté promise aux autres. Par la faute qui sait de quel virus, ils ont renoncé pournous préserver et pour se réserver de meilleurs lendemains.


Ce ne serait pas que des circuits « roulants »..


    Parmi ces autres, les rouleurs routiers, qui choisiront le secteur du Paloumère, avec une boucle par la vallée du Boulès, quant à Céline toujours à part est-ce jour qu’elle découvrira Eus, Marcevol, la forte montée d’Arboussols ? On a donc commencé à vive allure par descendre sur Prades pour gagner Ria, un bout de cheminement cyclable discret pour éviter le plus possible cette ex N 116 qui dès avant le flot de la fin de semaine, trafique densément et bruyamment. L’idée était bonne de traverser Villefranche par l’intérieur, on ne se lasse jamais d’admirer les remparts étoilés ni la fière perspective du fort perché de Libéria, installation défensive remarquable du temps des affrontements frontaliers entre deux royaumes. Et puis on a emprunté de drôles de voies entre la ligne du petit train jaune (que l’on verra monter vers Latour de Carol), la Têt, les prés plus ou moins privatifs, avant de commencer à en découdre à la sortie de Joncet : une bonne piste est là qui s’élève longuement vers le sommet du jour : le pas de Grau, par-delà du col de la Llosa. Je ne garde qu’une vague  évocation des lieux, c’est un des accès possibles au pic de Tres Estelles, un des rares sommets au dessus de 2000 m à être entièrement recouvert de forêt, et quelle forêt ; il me semble qu’elle ne cesse de grossir, de monter, de s’étoffer, de boucher les trous. Impression qui se confirmera demain dans la forêt de Balatg découverte en 1967.



Clocher de brique et carré, typique du Roussillon


   On dirait bien qu’il y a un semblant d’exploitation au vu de la multiplicité des couloirs pour passage d’engins pénétrant au coeur des pins et des sapins du côté du col d’Airolles ( 939 m), mais aller récupérer des grumes sur ces versants perdus, pas toujours de noble qualité , ça doit revenir cher pour l’entrepreneur qui achète un lot, et pas rapporter gros. Les Gillodes et les Bouillerot éviteront avec raison la portion farouche qui nous fait découvrir les restes d’un secteur minier qui fut florissant : un semblant de haut-fourneau, des trémies mangées par les herbes, des déchets ferrugineux semés un peu partout. Il fallut pousser, grimper le long de cet itinéraire qui nous fit entrevoir, un peu comme l’avant-veille, la rudesse de ce type d’exploitation qui  sait avant l’heure bien des organismes. Les gars du pays avaient cherché tous les recoins susceptibles de fournir des filons. On verra les sillons par-dessus Escaro, balafre d’une époque révolue qui aura du mal à se réhabiliter spontanément. Il reste pourtant encore en fonctionnement ce merveilleux canal de conduite de l’eau, captée quelque part en un torrent caché et qui porte joyeusement son contenu vers les lopins à irriguer, les prés à inonder, les vergers à rafraîchir. L’homme savait y faire et sur ce chapitre, on aurait intérêt à sauvegarder ce patrimoine patiemment bâti pour qu’il serve encore et toujours


! Un col de plus, un col de moins, il en restera toujours


C’est par la route au dessus de Vernet les Bains qu’on franchit les pittoresquesensellements de Fins et de St Eusèbe, mais comme mon mollet droit « tire » encore un peu, je suivrai les « locomotives » Régis et Jacques, m’évitant des poussages scabreux vers des cols qu’on avait déjà dû explorer avec Jean-Pierre (Vieux Fillols, Juell, Truja). Moi aussi j’ai intérêt à ménager ma carcasse, la voie de retour par le Millères reste assez directe, sans grande exigence, même si la dégringolade ultime met à mal les freins Cantilever ! Ce soir les fromages s’étaleront pour l’apéro, des bières seront dégoupillées, au même titre qu’une Blanquette de Limoux ancestrale si pétillante et désaltérante quand on aboutit suant et content avecpar-dessus tous ces bois un ciel bleu sans fond ! C’est quand même autre chose que le remède de cheval proposé à Titi victime d’une crampe soudaine à table :le verre d’eau salée aura-t-il éloigné le spectre de cette douleur qui vous laisse pantelant de sueur froide (je connais aussi çà) ?



Estoher, à table !

   Ce doit être rageant de voir advenir ce samedi un temps extra et de devoir renoncer à s’adjoindre au groupe, ce fut hélas encore le cas de Michel et Martine, décidément pas encore parvenus à un stade satisfaisant de récupération, mal de gorge par ci, faiblesse générale par là, pas la peine de forcer le destin. Nous étions prêts à défier le colossal col desRoques Blanches mais Jacques prudent décidera de le laisser de côté, au vu des risques de déferlement de brumes au moment suprême de l’accession à ces crêtes pelées. On se rangera à cette décision, le menu de remplacement est quand même à la hauteur : le tour du Canigou par les pistes du Llech et de Balatg. Avantage, nous partons tous du gîte, sans embarquer les vélos dans les voitures pour un transfert se traduisant par une perte de temps au détriment de la liberté de la découverte dans l’effort. Un canyon secret, tout près del Passatje...On rejoint donc le col del Forn (704 m) par d’autres voies que celles de l’avant-veille, en plongeant sur Clara et rattrapant la large piste principale , celle qui vient de Villerach. Mais même ici, la voie est coupée, d’une barrière métallique en bonne et due forme avec panneau avertissant de travaux jusqu’à la fin de l’année. Certes, l’accès aux grands pins sylvestres dressés sur les belles pelouses dominant Prades et tout le Conflent restera quoiqu’il en soit quelque chose de malcommode, de difficultueux, de problématique, avec le péril permanent de chutes de pierres, de décrochement de falaises, d’affaissement de versant. S’aventurer ici avec un véhicule de tourisme à moteur, c’est accepter le risque de déglinguer les amortisseurs, de faire sauter les joints de culasse, d’abîmer les roues et les jantes. La longueur de la piste, plus de 15 km, et la force de la pente (passages à 12 %) sont assez dissuasifs. Il est bon que puissent ne s’aventurer par là que les
promeneurs libres de leurs mouvements, sûrs de leur condition et de leur engin à deux roues ou de la bonne
forme de leurs gambettes !




Joncet, l’heure de regrimper !

   Je ne sais au juste si le massif du Canigou est protégé par décret comme zone fragile, parc naturel, mais je sais qu’il fut un temps ou de « visionnaires »promoteurs voulaient installer un téléphérique se hissant jusqu’à la cime, heureusement projet vite enterré. Je sais aussi et je vis qu’une navette carrioletirée par un cheval de trait permettait depuis le ras  (ou même de plus bas) d’accéder au refuge implanté à 2150 m. Je sais encore qu’en 1967, le chemin cessait d‘exister au Ras de Prat Cabrera, la jonction ne sera achevée avec le Ras des Cortalets que l’année suivante : voulait-on exploiter la forêt, développer un tourisme de haute montagne ? Va-t-on vers une réglementation voire une interdiction de l’accès en ces lieux de tout véhicule à moteur, hormis les autorisés, et quid des chasseurs alors ?


Avoir un bon copain, c’est plus mieux !

   La grimpée se poursuit à cadence tranquille, permettant des échappées fantastiques sur les profondeurs de la rivière, la chute granitique du fier Roc de Jocavell (1326 m) qui longtemps nous dominera jusqu’à ce que par un lent et patient grignotage on parvienne à le dépasser. Ce qui à 17 ou 18 ans en ce qui me concerne se faisait sans problème mais non sans difficulté va-t-il devenir à terme de l’ordre de l’infaisable, de l’interdit, du problématique, du déraisonnable ? Je revois au passage les bifurcations pour les sentiers du col de la Gallina ou lagrimpée au Ras Mouchet, belles aventures du passé pas si lointain. On est passés de l’étage des cistes à feuille de laurier à celui des chênes blancs, puis à celui des pins enfin à celui des sapins et des rhododendrons. Faut s’abreuver, et les ruisseaux ne sont pas très fournis en cette saison. On mettra le temps qu’il faudra, on n’a après tout qu’une seule etgrande montée (dans les 1700 m de grimpette) puisque de la descente, et le ciel est avec nous sans crainte d’une mauvaise surprise. A 75 ans passés ce serait présomption ou orgueil mal placé que de vouloir avaler l’ascension d’une seule traite, même si je m’en sens encore capable. On décide de se poser au ras de Prat Cabrera. D’ailleurs, Milou et Bernard ont voulu là cueillir un autre col recensé sur le guide officiel, personne n’ira les accompagner, même pour un aller retour a priori bénin, moins d’une borne et presque à niveau. Calme et silence des hauteurs, on savoure l’instant de récupération, le moment de recharger les batteries par apport calorique (les « paniers-repas » du gîte à ce titre suffisent pourassurer ce rôle). Voilà quelques marcheuses et marcheurs déboulant des tréfonds de Baillestavy, ils marqueront la pause un peu plus haut tout commnous : l’endroit est rêvé pour une halte contemplative.
   De Prat Cabrera au ras, pas mal de dégradation sur ce qu’il reste de voie, les cailloux saillent, les racines forcissent, le peu de terre a disparu, ce sera pire sur le final vers les Cortalets, on a l’impression d’affronter un lit de torrent à sec semé de pierrailles, ce qui convertit la pédalée en exercice d’équilibriste.Bernard et Milou n’étaient pas encore revenus de leur chasse au col supplémentaire (sous le puig de Bessis) ; ils nous signifieront que la recherche du lieu exact n’était pas de tout repos et qu’ils ont dû batailler entre les blocs et la végétation sans ramener une seule vue de leur « exploit ».



Face à la forêt d’Entre Valls

   Cela fait plaisir de débouler dans le cadre plaisant et reposant du chalet en voyant tant de monde, quelques vélos sont parqués, plus du musculaire que des « assistés », surtout une belle jeunesse bronzée qui boit, qui somnole à l’ombre des arbres, qui se prépare à poursuivre son chemin. Tous sans doute ont gravi la fameuse pique largement accessible, elle est là, devant soi, pareille à ce qu’elle a toujours été, perspective rocheuse, ravinée, canine géante où subsiste encore à son pied le minuscule étang des Estagnols, tout recouvert d’herbes aquatiques. Question flotte, il était temps de se réhydrater, cela fait longtemps que la fontaine de la Perdrix a été protégée, détournée, il n’y a qu’un robinet délivrant leprécieux liquide, bien sûr, on passera au bar et en terrasse pour déguster demis, cocas, infusions qui sait.



Entre le col de la Llosa et le pas de Grau

   Il est parfois des sentiers qui deviennent des pistes voire des routes, il a dû en être ainsi dans l’histoire de moult voies de communication. Eh bien, ici, dans cette plongée vers Taurinya via l’Escala de l’Ours, c’est l’inverse : ce qui fut une honnête piste de montagne, d’ailleurs décrite dans les anciens guide Michelin comme seule voie carrossable d’accès au Canigou, esten passe de devenir laie, sente, trace parmi les décombres d’une forêt qui vieillit, des pierres qui roulent, de la roche à nu qui affleure là où on roulait sans appréhension. En moins de dix ans, quelle dégradation ! Voulue, consentie, irrémédiable. Bernard qui m’accompagne en serre-file (les 4 autres se sont lancés éperdus dans une folle dévalade à sensations) découvre les parages escarpés de ce Canigou impérial, le tunnel de Balatg, la vue comme d’avion du bassin conflentois. Certains passages en corniche n’en mènent pas large, ils pourraient sedécrocher, qu’adviendrait-il alors ?
   Il subsiste, et c’est de bon aloi, une activité pastorale sur ces versants énormes : on a vu évoluer un jeune pâtre torse nu avec son chien, côté Vallespirien: étaitce pour des caprins ou des vaches ? Et autour de la petite jasse des Cortalets, toujours joliment enserrée dans la boucle de la piste, de belles bêtes à cornes de robe brune vaquaient, c’est le cas de le dire, emmi les
gentianes et les trèfles réglisse. Chemin faisant, on est tombés sur les Gillodes, rendus plus que prudents sur cette portion totalement défigurée, ensauvagée, de viabilité vraiment
incertaine. Un immense soleil nous salue au débouché des mousses, des ombres et des lichens si abondants alentour du col des Voltes, le chemin rapiécé devient un peu mieux roulable voire
 confortable. On comprend bientôt pourquoi il est dans un tel état : une barrière a été plantée à un km du col de Millères, impossible pour les voitures d’allerplus haut, encore une histoire de protection, ainsi l’accès au massif se mérite, que l’on gagne à la force de ses jarrets, conséquence probable d’un moment de folie où l’on se ruait avec des engins de plus en plus lourds et puissants jusqu’au chalet. Fini le temps de conquête facile et de la destruction assurée. C’est peut-être le même phénomène qui a présidé à la fermeture des accès au dessus de Jujols, vers où l’on aurait dû se rendre, mais paraît-il, il y a eu tellement d’excès (on hissait en véhicule les vtt pour des descentes échevelées soi-disant sportives) qu’on a coupé court brutalement à cette invasion de loisir. Pas plus mal, mais quand ça se fait au détriment des amoureux de la montagne, cette interdiction se discute. Exit le col Diagre, le col de Portus, l’approche du Madrès, cet autre massif faisant face au Canigou, d’aspect plus modeste mais ô combien attrayant, sublime à sa manière. On a parcouru ce soir la distance peu ou prou d’un marathon, 42 km, mais en
combien d’heures supplémentaires par rapport au mur des deux heures des athlètes olympiques ? Peu importe, l’écrasante beauté nous a étourdis, a aussiécrasé les temps !
  Ce soir, après les blanquettes de veau et autres poulet aux pâtes ou à la semoule des jours précédents, voilà les « boles de picolat », une spécialité bien catalane, savoureuse dans son accompagnement de mongettes : Alexandre et Sandrine ne sont pas « robotisés » au point d’offrir du standard, ils gèrent efficacement el Passatje, bonne continuation à eux, ils le méritent amplement !
  Est-ce ce soir que l‘on a eu le bonjour téléphoné d’un Dédé d’Ambert quasi nonagénaire à la voix lucide et claire, et que l’on apprit aussi à quelques minutes près du quasi direct) l’arrivée d’un certain Pascal Lometti à Màlaga pour un remake d’une Eurodiagonale (ou bien était-ce à Almeria ?) : diantre, il était 21 h 23 et la photo sous les lampadaires en fait foi, que nous fait voir Francis. Bravo au ténor de ce genre d’épreuve, qui continue à braver les chaleurs, les années et les routes de plus en plus aléatoires !

Dans la corniche au dessus du Llech

   Il était dit qu’on ne se quitterait pas sans avoir d’une part au moins un soir partagé la grolle savoyarde toujours préparée par les bons soins de Régis, nidégusté pour les amateurs de la bulle joyeuse la blanquette de Limoux ancestrale. Instants vite passés, dont il faut souhaiter qu’ils puissent se renouvelerencore, occasion de répéter sans oubli ce refrain qui tant nous soude : « ya oun souleil comm’ça… ! ».


Le site du chalet des Cortalets (2150 m)

   Bernard ayant des obligations familiales pour la mijournée de dimanche, le trio du Clapas Montpelliérain fera faux bond pour la dernière proposition suggérée par Jacques : le plateau d’Ambouilla, qui domine Villefranche. Ce sera un effectif réduit de moitié qui profitera de l’aubaine, les durs de durs Milou, Guy, Jean-Michel de Toulouse entre autres. Le temps restera encore favorable, les orages et les nuages, ce sera pour plus tard. En attendant de nous revoir (mais où pour mars à venir ?), je sais que Christine pédalera
d’ici peu vers Oloron dans les Pyrénées et que Jean-Michel ne regagnera ses pénates qu’après un détour au fin fond de l’Espagne avec la Sierra Nevada en point de mire : pour la neige, il repassera, quant au ciel dégagé, pas de souci, il est assuré trois ans à l’avance ! Quand le vélo va, tout va !

Été 1968, partis de Bompas à vélo, on allait au pic (avec mon frère André), c’est quoi qui a changé ?