RATABOUILLADE à YENNE (Savoie) organisée par Régis Paraz |
du 26 au 28 mars 2022
Cols proposés sur les parcours: les collets (FR-73-0560), Col de Botozei (FR-73-0563), Col du Mont-Tournier (FR-73-0821), le Collet (FR-73-0650), Col de la Lattaz (FR-73-0754), Col de la Crusille (FR-73-0573), Col du Mont (FR-73-0783), le Gollet des Noirates (FR-73-0693), Col du Chat(FR-73-0633), et en option le Col de la Vacherie (FR-73-1066), qui porte bien son nom.En prime vues sur les lac du Bourget et d'Aiguebelette.
Voir le reportage photos de Francis Touzeau sur: https://photos.app.goo.gl/UmgqjppVoaUpdsXP9 et celui de Victor Sieso sur: https://photos.app.goo.gl/QJjLAqFZ6FM6Kb4V7
Compte-rendu de Victor Sieso:
La ratabouillade Primavera, du vendredi 25 au lundi 28 mars 2022 : Ça sonne comme Viarhôna, Via Domitia, Primavera, ce besoin d’évasion, de reconnaissance, d’explosion des verts après un morne hiver covidé assourdi qui plus est par le bruit des armes d’un conflit naissant, avec ce report d’un an de l’escapade centcoliste Viganaise. D’ailleurs lorsque Guy C. l’organisateur nous avertit par courriel de cette nouvelle entrave, je n’avais pas de suite compris si quelqu’un pouvait prendre la relève sur place ou proposer autre chose dans le peu de délai qu’il restait. Ce fut alors que la marmotte savoyarde Régis se réveilla et proposa une rencontre en son avant-pays, du côté de Yenne et du Rhône. Pour les quelques sudistes pressentis, cela ferait plus loin pour rejoindre la zone préalpine, surtout en ces temps de renchérissement fulgurant du prix des carburants.
Le joker « clos des capucins » fut le bon, car, a posteriori, il est certain que la chasse aux cols en Cévennes serait tombée littéralement à l’eau : les 11 et 12 mars, jours pressentis pour aller crapahuter là bas, un épisode cévenol survint, pas des plus véhéments, mais de pluie ininterrompue, qui nous aurait empêchés de réaliser quoi que ce soit d’intéressant. A quelque chose malheur est bon, j’espère que Christine C. ne m’en voudra pas, qui depuis a dû se retaper pour être parmi nous dès la fin d’été à venir.
Avec le peu de temps imparti pour se décider, et compte tenu d’un emploi du temps déjà rectifié pour certains, nous ne serons qu’une petite douzaine à répondre à la proposition de Régis. Ne nous leurrons pas toutefois, au fil des ans, les effectifs auront du mal à atteindre la vingtaine, les fibres s’usent, des papys et des mamies se rangent et se rangeront du vtt, et même du vélo sur route. A moins d’inviter des nouveaux, il sera encore possible de nous revoir en comité réduit, la recherche d’un grand gîte ne sera plus le récurrent problème des années glorieuses 90 et début 2000, ce qui n’est pas une consolation.
Nous serons trois à partir de Castelnau avec un seul véhicule, celui de Bernard, qui sera notre chauffeur et aussi le proposant qui a déjà postulé et posé pour septembre à venir un séjour centcoliste à Camurac en Ariège, admirable ouverture pour un avenir enviable de nos rencontres qui pourront se poursuivre, se perpétuer encore en dépit des aléas de tous ordres.
La météo est princière, outrancièrement en avance sur la saison, il fera quasiment chaud en remontant vers Grenoble, on se serait cru en un départ de grandes vacances estivales : cela allait-il durer ? Affirmatif signalent les flashes des Smartphones, insistant sur la durabilité de l’épisode ensoleillé avant un retour prévisible de bâton dans le courant de la première semaine d’avril.
Le clos des Capucins se trouve sans mal, il s’agit d’un ancien couvent plutôt occupé par des moniales qui dernièrement apprirent à de jeunes générations de filles les rudiments des tâches féminines d’alors, c’est à dire ménagères et d’éducation. L’édifice fut achevé en février 1647 nous signale le jeune et dynamique actuel gérant de ce qui est devenu une SEM, société à économie mixte, autrement dit le partenariat public privé avant l’heure dont on parle tant de nos jours. L’ensemble est voué à l’accueil de visiteurs, des pèlerins de St Jacques, peut être aussi pour le chemin d’Assise, pour des classes jeunes, pour des sportifs, pour des séminaires divers, des groupes comme le nôtre. Nous verrons de fait évoluer des adeptes de qiqong, une discipline asiatique entre gymnastique corporelle et méditation, à l’écrasante majorité féminine (comme si les hommes méprisaient ou n’avaient nul besoin de tels exercices de relaxation).
Sans surprise ici aussi le ciel est pur, les montagnes bien dégagées, on dirait même que l’herbe est plus haute et plus verte que par chez nous où la morsure répétée des petits froids a retardé notoirement sa poussée. Il semble que faire suivre la cape, le poncho soit vraiment superflu. Et dire que pas un seul moment je n’ai songé à m’équiper de shorts, ce que tout le monde avait prévu et d’ailleurs chacun essayera ou étrennera le sien lors de ces trois journées, sauf moi évidemment !
La montagne de Charvaz était au menu de samedi, trois cols, plus de 1000 m de montées, plus de 40 bornes. Avec possibilité d’aller chercher la variante de la Vacherie. Comme à l’accoutumée, j’ai eu juste le temps d’imprimer un aperçu des parcours, laissant la conduite des opérations aux possesseurs de guidage satellitaire ou de circuits préenregistrés sur les tablettes escamotables.
Mise en jambes dans la ripisylve le long d’un Rhône plus ou moins divisé, entre des tapis d’ail des ours (ou de jacinthes ?). Nous quittons cette mise en bouche ente les terrains agricoles par une remontée vers le long plateau collinaire et boisé de la Charvaz, un chaînon qui s’étire aux alentours de 800 m et qui nous cache le vaste plan du lac du Bourget. Régis nous apprend qu’en dépit des apparences, nous sommes en massif jurassien (ou jurassique ?), calcaire, et que les Alpes, le Mont Blanc et sa traîne dentelée, c’est de l’autre côté du lac . Le temps admirable et calme nous permettra d’entrevoir les dômes neigeux du sommet européen, de goûter au pique nique embarqué en survolant le bleu étale du vaste lac. Nous ferons la tournée d’autres belvédères, non loin de ce col du Chat confondu dans ma tête un moment avec le Mont du Chat, dont je garde un souvenir halluciné, 10 km et plus de pente rébarbative à deux chiffres en continu sur les deux faces (c’était voilà 20 ans grosso modo), ici il ne s’agit pas du relais à 1500 m , mais d’un ensellement noyé dans la pinède opulente, à 633 m, pile la côte du col du Paradis dans les Corbières, je n’avais jamais dû le franchir.
Quelques pourparlers avant la scission pour la suite de la journée, une moitié va éviter la variante pas vraiment raisonnable de la Vacherie, ils seront 5 à aller la tenter, la trouver, avec ou sans vélo à la cime (1068 m). Avec mes petits tennis de salon, je n’en mène pas large sur la pente d’un sentier minuscule incliné et oblique de toutes parts, farci de feuilles heureusement sèches, mais délaissant le Lapierre contre un hêtre (nous avons gagné l’altitude d’un étage montagnard d’aspect dépouillé encore bien marqué par l’ hiver), je pourrai gambader de part et d’autre du sommet du jour : que de passants, venus sans doute du col du Chat par l’itinéraire aérien non dénué de petites difficultés techniques. Dire que Guy R. est passé hier par là traînant son engin, qu’il ramènera encore ici par le versant nord, tout comme le feront Martine, Claude, Gérard. Michel et moi accompagnons les derniers pas laborieux de cette conquête éphémère. Le décor et la difficulté me rappellent tout à fait le col de la Gallina, pas loin de cette même altitude (1123 m de mémoire), dans le massif du Canigou, entre Llech et Boulès, les deux rivières.
Douche, apéro, repas, dodo, pas de grolle encore, patience face au virus baladeur qui colle de plus en plus à nos basques, je ne prolongerai la sortie de dîner que le dernier soir, pour la blanquette amenée en souvenir de Kikou dont un bel album photo retraçait quelques inénarrables lointains et proches moments de l’homme de Limoux et de Pieusse.
C’est le temps du printemps fleuri qui sourit, des pâquerettes, des forsythias, des aubépines en nuages de blanche dentelle, des pruniers roses, des jonquilles dans les prés, des cerisiers blancs. Nous sommes gâtés, nous sommes choyés. Ce dimanche on s’est déplacés en voiture vers Novalaise, tout contre le lac d’Aiguebelette, un autre vaste plan d’eau naturel qui ne me dit rien dans le souvenir (Yenne et Paladru, Belley, ça me parle, j’avais croisé dans le secteur en des diagonales révolues, presque oubliées, du siècle dernier en tout cas). Je ne sais les cols franchis, il me souvient d’un saut de l’âne, homologué ou pas, bien situé sur le plan ou pas, que me chaut ? L’important est d’être là avec le groupe, de goûter à l’instant. Le bleu suave et tendre de la veille n’aura pas tenu sa promesse d’une prolongation aussi pure que la veille, le soleil se montrera bien mais voilé, sans jamais baisser complètement la garde, il reprendra même du service avant la fin de la boucle, illuminant les visages en sueur, pas que les nôtres, mais celui de tous ces jeunes plein d’engouement qui trottent, avironnent, roulent, courent, se donnant du plaisir physique en plein air. Un moment j’avais envisagé un retour sur route, mais 20 bornes seul entre les voitures avec un final monotone, ça ne s’imposait pas : je démonterai la roue avant comme tout le monde pour refourguer le vtt dans l’habitacle. On aura tout le temps de se faire propre pour les comptes et l’apéro !
Le lundi, c’est du rab’, suite et fin d’une ratabouillad’ ; ça rentre petit à petit dans les mœurs du groupe, on prolonge avec une petite escapade pas trop exigeante, pour un dernier au revoir au coin, un dernier salut à tel col, un ultime tour d’horizon au paysage du secteur. Francis qui était arrivé en train s’était tapé le mont du Chat en extra le vendredi de notre arrivée, Michel et Martine prolongeront encore demain mardi peut-être en compagnie de Christine et Pierre, ces derniers déclinant l’offre de 18 km au SE de Yenne, prévoyant le passage au dessus du défilé de Pierre-Châtel. Faut dire que la veille la dame locale du groupe s’était retrouvée à côté de son vtt par la faute d’un caillou un peu traître et que de petites craintes de côte fêlée ont dissuadé la pourtant tenace chasseuse de cols de venir avec nous.
Début de semaine aussi tranquille et paisible dans un ciel limpide : la nature fraîche et mignonne offre le spectacle du réveil de la vie végétale. Ce n’est qu’un début, qui sera prolongé par le parfum des lilas et du muguet, par la venue des hirondelles bien tardives cette année. Demi-journée top encore, prolongée par le repas tiré de la pochette préparée par le prestataire du Clos, au sein du remarquable site où il ne reste plus que nous, en attendant l’arrivée imminente d’un groupe de jeunes venant de Bruxelles, ce sera une autre ambiance…Nous eûmes nonobstant la visite surprise du président des cyclos de Yenne, qui pour l’occasion, nous distribua un petit présent, la timbale pliable aux armes du club, en prélude de leur virée à succès du 1er mai : geste modeste mais apprécié !
Une bière par ci, un vin d’orange ou de citron par là, une trouble anisade, un coup de rouge pour celui qui ne conduit pas, nous finissons de goûter à la saveur d’un temps insoucieux. Merveillosité d’un temps serein. On ne va pas se repentir de n’être pas venus, nous étions là, tra -la -la. Et pour le prochain rendezvous en Savoie, en sus de la grolle réhabilitée, Régis nous proposera le gâteau de Savoie, les crozets de Savoie, le Reblochon de Savoie (le fromage de la dent du Chat, c’était plutôt comme du Beaufort, ché pas pareil).
Régis le Régisseur qui de main de maître nous a conduits en son pays où il y a aussi « oun souleilh com’ça », va repartir presque dans la foulée vers la Bretagne, pour son périple annuel des provinces françaises : sûr qu’il rencontrera l’hiver avant l’été là bas, caprices de la météo aidant !
Parenthèse mirifique donc que cette ratabouillade de sauvegarde que dis-je, de sauvetage, encensée par un temps superbe, quasiment anachronique. Pascal L., le cyclo montpelliérain qui sans cesse vadrouille de pays en pays, de diagonale en eurodiagonale et de musée en musée, rencontrant Gérard de Grasse à Cannes voici peu, m’envoyait la semaine passée un texto se terminant par un « profitez-en bien tous à fond ! », qui ne pouvait être plus prophétique. On tourne le dos à ce profil pointu de la dent du Chat, dent entourée d’histoires et de légendes : là haut au dessus de l’herbe verte des bas pâturages, quelqu’un qui sait bouffe de la vache enragée dans ce col de la Vacherie si bien encadré par ses crocs de calcaire. (Environ 105 km et 2500 m de dénivelé)