Compte rendu de Victor |
Week-end des Cent Colistes. samedi 5 et dimanche 6 février 2005 :
(
Briandes, 21 h, vendredi soir: une fois n'est pas coutume, je suis le dernier à rallier le gîte d'où Jean Pierre doit nous emmener en deux extraordinaires journées grappiller les cols du secteur de Lunas en Hérault. Un kilomètre avant d'atteindre ce coin semblant perdu, cul de sac routier en tout cas, un panneau bien en évidence, que mes phares ont fait rejaillir de la nuit, portait l'inscription: « chasse interdite». Vous aurez bien lu, Mesdames et Messieurs les chasseurs de cols; sous peine d'amende, l'espace d'une fin de semaine, il faudra vous convertir en pêcheurs-quêteurscréateurs-baptiseurs (bien vrai Kikou ?)-quémandeurs et autres collecteurs collectionneurs de cols. Eviter de « chasser» donc; Et encore verrai-je dimanche, en sens inverse de la marche, cet autre avertissement: «chasse gardée». Ainsi donc, Mesdames et Messieurs les chercheurs trouveurs de cols, gardez vous d'arborer de trop voyante manière votre blason emblématique, et sachez montrer patte blanche, licence en cours de validité, droit de péage acquitté afin de pouvoir tirer à loisir sur tout col qui se manifeste! Briandes 21 heures, la route tortueuse, étroite, pentue, inattendue, débouche dans le noir absolu de la campagne isolée. Nuit massive avec étoiles par myriades au firmament, sans lumière parasite, avec un joli IToid qui s'installe. L'apéro est passé, j'arrive pour la soupe. J'ai quitté Montpellier et le boulot sous la brume naissante, JPR vient m'accueillir sous la Voie Lactée. La trentaine de pensionnaires est là, étirée en une tablée joyeuse. Pas de nouveau venu, quelques absents, de Bourgogne, d'Auvergne, de Perpignan. Mais l'Aude, l'Alpe Maritime, l'Hérault, le Tarn, la Haute Garonne, le Cantal, le Puy de Dôme, les Bouches du Rhône, la Dordogne sont bien représentés. Le quorum étant atteint, on allait voir ce qu'on allait voir. Qu'a-t-on vu? Un Claude S. surfer sur le verglas insidieux avec son beau vélo: la farine glacée au sol à -2°C, même les pneus crantés ne sauraient y résister, on part comme sur un lac gelé, on n'a qu'à se laisser entraîner. Bilan: un genou écorché, sans plus, et la crainte rétrospective pour tous les autres, avertis par l'ouvreur malchanceux sur la route descendante. C'était samedi matin, les prévisions semblaient encore bonnes, le ciel irait en se couvrant, gagné par les fameuses rentrées marines ne venant pas de l'Atlantique, mais il était dit que ne nous étant pas acquittés correctement de notre privilège de détrousseurs de cols, nous allions payer en quelque sorte le lendemain cette usurpation de terrain. On va se réchauffer dès Lunas sur la pente hardie du col Grane, et nous voilà embarqués sur des traces nouvelles, débouchant à Taillevent que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam. Là gît le secret de la découverte surprise: on croit connaître son département, il reste toujours quelque chose d'inédit de nouveau, d'inconnu. C'est beau de disposer de la sorte de ressources quasi inépuisables. Encore faut-il savoir les dénicher, scruter les cartes. Les nuages annoncés arrivent donc. Ils vont petit à petit occuper les quatre coins du ciel, assombrir l'ambiance, contribuer à maintenir une atmosphère qui n'a rien de chaleureux. On verra d'ailleurs encore des coulées glacées restes de la dégringolade de mauvais temps du début de semaine. Faut bien que l'hiver se justifie!
Tours et détours en des pistes anciennes de reboisement nous font voir
le coin de Joncels par le haut. La troupe apprécie le toboggan, la
reprise ascensionnelle, la jolie plongée vers le petit village où l'on
ira se calfeutrer à la mi-journée sur la placette de l'épaisse église
toute en pierre grise. Pas une ouaille alentour, la messe il est vrai ne
sera dite que demain 16 h, pas un habitant aux fenêtres, pas une
cheminèe qui fume, ce qui est plus curieux. Seules quelques voitures
garées sont là pour rappeler que le coin est habité. Quant aux chats, il
ne s'en pointera pas un pour profiter des re11efs du repas emportés du
gîte. Le froid
investisseur aidant, on a tôt fait de ranger gourdes et popotes, et s'il
n'y avait pas de bon chaud café, on vida quand même quelques litres du
jus de la treille pour entretenir le feu un peu faiblard sous la
grisaille transie. Rarement je vis déguerpir un groupe aussi vite.
Direction l'Escandorge et ses 800 mètres, le col Rouge là bas au loin.
Le temps d'une photo, d'une traversée de la ruelle à porches et à
pierres blasonnées, voilà que la troupe a filé. Dans le vent aigrelet,
je cherche, scrute, écoute...Nobody; c'est en face qu'il me faut aHer,
11s y sont déjà, il me suffit de rejoindre la piste du versant opposé.
Mais les apparences trompent: je débouche en une cour privée, demi-tour,
voie ferrée, GR, pied à terre et franchissement de ruisseau, ouf me
voilà sur la bonne pente, mais la première bifurcation m'induit en
erreur encore. Sans la présence fortuite des bonnes fées Nadine et Marie
José et de la bonne Samaritaine Babeth (oui, la chienne 7), je partais
me perdre droit dans le pays de Lanza deI Vasto, dans le grand domaine
de la Borie Noble, et l'on se serait inquiété de mon absence. Comme
quoi, un moment d'inattenÛon et pfuit, sans carte, avec une connaissance
andenne du terrain (passage voici 15 ans !), on se plante à coup sûr. TI
m'aurait été un peu moins commode de me re-pointer une seconde fois à
Briandes à 21 heures dans le noir sans la moindre lanterne! Je refais
donc la jonction avec la troupe s'en revenant du col Roube, une variante
à engranger. Le serreur de file n'aura plus à se faire du mauvais sang.
Les choses ne s'arrangent pas passée la mi-journée, comme on aurait pu
le croire. La température baisse, les doigts s'engourdissent, le ciel
devient gris « grave ». D'ailleurs, au dessus de Baraque de BraI, un
grand réservoir transformé en piscine gelée donne le « la » de la
journée, gélive, froiduleuse, à ne pas mettre un chien de chasse dehors. Pourtant,
sur le versant sud peuplé de rousses fougères rabattues, le dégel
s'amorce, la banquise, ça n'est qu'une impression, nos roues récoltent
la glaise brune dont les éclats iront garnir cadres et habits. Si Claude B. livide et
pompé s'en est aIlé droit devant vers les basses terres et le
café de Lunas, nous irons avec raison pousser jusqu'à la chapelle St
Amans, joli édifice planté sur la crête nue d'où l'op. apercevait encore
quelque chose du vaste paysage qui doit s'offrir au pèlerin par jours de
beau temps. Briandes et son
complexe de gîtes (en plein jour, on découvre la dimension du hameau)
sera rejoint par des sentes latérales, pleines de feuilles et de
cailloux, pleines de charme aussi. Quant _ la fontaine des yeux, demain
on verra plus clair, enfin on l'espère, pour y faire un tour. Ce soir, deuxième
apéro- le premier pour moi-, les visages sortent de leur lividité
(mimétisme avec le milieu pâlichon 7) et retrouvent les teintes joviales
au coin du feu. De quoi parle-t-on 7 de vélo, de flèches, de
concentrations, de SF, d'AIT, bref, d'affaires de spécialistes... Que
les marcheuses n'en soient pas offusquées, elles qui ont eu le temps de
se rincer l' œil, à l' œil, à la fontaine de ND de Nize où il est prévu
que demain nous allions faire nos ablutions incantatoires. La
blanquette a coulé, servie entre une Ûrade
papale et un « sole11 comm'ça », pour faire descendre le festin, le
lapin, le crumble et tutti quanti, aussi la goutte et le pousse-café
pour les habitués. La nuit hantée de brumes ou de rêves portera-t-elle
la pluie ou les étoiles 7 il a commencé à bruiner à l'heure d'éteindre
les loupiotes. |
Alain et Xavier ont été les premiers à partir, une concentration hivernale les attendait sous le ciel bleu ( ?) des rives Toulousaines. Comme hier, Dédé ne nous accompagnera pas, sortant d'un début d'hiver assez malmené. Si j'ai bien compris, il est juste venu pour un sacré cadeau à Martial qui pour le coup ne s'est pas pointé! Pas plus que Georges le Monta1ba_s sceptique quant à l' évoluton heureuse du temps, quant à Catherine, elle a fait cavalière seule tout à fait en dehors de nos préoccupations pédestres ou pédalantes. Pas de miracle hélas en ce dimanche jour du Seigneur; le soleil ne bondira pas au moment du petit déjeuner à travers l'échancrure de la vallée. Les brumes pesantes, fuyantes, qu'un vent soutenu d'est ou du sud renouvellent sans cesse, n'ont pas l'air de vouloir en démordre. Tout s'est imbibé d'eau, du paillasson aux buissons, en passant par la chaussée et le chemin glaiseux. Kikou renoncera à souiller son Massi, et allumera son gros cigare goguenard comme pour narguer le ciel, en habit de dimanche, Claude le Périgourdin accompagnera c_ dames vers Lodève (il est vrai que les rapaces et autres oiseaux rangent leurs ailes par un pareil temps, sale jour donc pour l'ornithologue de service), le reste du groupe s'élance entre le doute et l'espoir. Espoir vite brouillé, par des crevaisons en série d'abord, et ce dès le départ, par la survenue de l'averse qui finira par s'installer brutalement assez vite.. La débroussailleuse n'a pas fait de quartier, qui a expédié sur les pistes des brindi11es épineuses piégeant des roues avant et arrière. Le Puech Caubel restera invisible, nous n'entreverrons le décor, fort joli d'ailleurs, qu'en rejoignant les terres rouges de Dio et Val quières. Sur le plateau battu de vent, la croix du calvaire ne délivre qu'une furtive échappée sur le château et ses environs: les photos seront rares aujourd'hui! Il est prévu d'installer sur ces crêtes une série d'éoliennes qui s'érigeront 93 mètres au dessus des maquis. Pas sûr que le tourisme y trouve son compte ni que l'habitant des bleds environnants récupère les miettes du gâteau. C'est ce qui s'appelle se battre contre les moulins à vent... Il est temps de s'abriter sous cape, le gros grain nous brouille la plongée sur Lunas. C'est la débandade, ma cape vieillotte se déchire, prend l'eau, descend sur mes yeux. Bien loin de faire une halte regroupement au café, les premiers arrivés craignant le refroidissement poursuivent directement sur route pour rallier au plus tôt le gîte. Je suis resté avec Claude et Michel: la crevaison du premier nécessitera pas mal de patience, chambre inadaptée (à moins que ce soit la jante), doigts gourds, valve à géométrie variable. Chance que dans le bourg, des âmes bien nées nous aient ouvert l'antre sec de leur cave pour rafistoler le vélo du président piégé à son tour par les vilaines épines! La fin du peloton, déterminée comme jamais, a poursuivi son chemin à la recherche-ftuctueuse quoique boueuse paraît-il- du col voisin de Peyrolès. Sous la houlette de JPR engoncé dans son rhume et sous sa cape, les héros s'en reviendront aux Briandes en ordre dispersé, trempés comme des soupes, entre flocons et hallebardes. Ainsi va le temps dans notre Midi: après quelques mois de sécheresse, il fallait bien arroser les terres pour préparer les germinations et les levées de sève, et ce à l'encontre d'une météo aveugle qui n'avait rien dit de cette subite dégradation. Kikou est passé sans nous voir dans notre détresse noire, il a raté l'occasion d'une belle démonstration. Sa voiture de dépannage qui aurait pu servir de voiture balai (ne le fut-elle déjà pas la veille au fait pour récupérer un Claude hagard ?) a filé droit et doux: pas de miracle pour ceux qui ont sauté la visite de la fontaine miraculeuse! Pourtant à deux pas, en contrebas de cette route qui grimpait sec (enfin, bien trempée en tout cas), et où personne n'ira voir si le débit. s'était accru sous l'averse! Faut se faire une raison, ça tombe comme à Gravelotte, les chemins deviennent patinants, embourbés': on se rangera des bicyclettes, on évitera la boucle de l'après midi vers Sénégra la mystérieuse. On ne peut tout avoir, le beurre et l'épine dans le beurre, le beurre dans la confiture, le beurre sur le ftomage. Encore que sur ce chapitre, tel couple de St Gély ait été bien servi n'est-il pas! Mais le beurre à bronzer, le beurre de cacao, protecteur des rayons crématoires, ce n'est certes pas cette fois qu'on y aura droit. Sans doute pour Je septembre à venir, dans une Pyrène ardente, à cheval sur l'Ibérie brûlante, lumineuse, à deux pas de la fin d'un été à venir. Martial, prépare nous une belle revanche et commande nous un soleil comm' ça ! |
Victor Sieso |